CE 19 décembre 2019, n° 419062

Quand une mesure relative à l’affectation, à la mutation ou au détachement est contestée devant le juge administratif, celui-ci doit tout d’abord vérifier si l'agent public a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral et ensuite si l’administration justifiait ne pouvoir prendre d'autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.

En l’espèce, un officier de port a été détaché pour une durée de cinq ans auprès du port de la Guadeloupe afin d'y exercer les fonctions de commandant de port. Par un arrêté faisant suite à des tensions avec le directeur général du port, qui ont conduit l’officier à déposer une plainte pénale pour faits de harcèlement moral, le ministre compétent a mis fin au détachement de l'intéressé et l'a affecté sur un poste de chargé de mission temporaire en Guadeloupe, en attendant une affectation pérenne, puis il a été nommé commandant du port de Mayotte.

Selon le Conseil d’État : « Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but. »

Le Conseil d’État précise ensuite que lorsqu'une une mesure relative l’affectation, à la mutation ou au détachement est contestée devant lui par un agent public au motif qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, le juge administratif doit dans un premier temps apprécier si l'agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral. Puis dans l’affirmative, le juge administratif, dans un second temps, doit apprécier si l'administration justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.

Ainsi, en ne recherchant pas, en l’espèce, en l'absence d'autorité de la chose jugée par le juge judiciaire statuant en matière civile, si le fonctionnaire avait été victime d'agissements de harcèlement moral de la part du directeur général du port de Guadeloupe et, dans l'affirmative, si son administration d'origine justifiait ne pouvoir prendre d'autre mesure que la mesure litigieuse pour préserver l'intérêt du service et celui de l'agent, la cour administrative a commis une erreur de droit.

Le Conseil d’État annule donc la décision de la cour administrative d'appel et revoie l’affaire devant cette cour.

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