CE 13 mai 2019, n° 417190
Le juge de l'excès de pouvoir doit exercer un entier contrôle sur l'appréciation portée la commission de médiation quant à la bonne foi du demandeur.
Un homme, arrivé en France en 2000 et admis au statut de réfugié, a déposé une demande de logement social le 5 février 2003, qui est restée sans réponse. Le 10 février 2016, il a présenté à la commission départementale de médiation du Val-de-Marne une demande au titre du droit au logement opposable qui a été rejetée par une décision du 24 mars 2016, confirmée sur recours gracieux par une décision du 4 août 2016. L'intéressé a alors demandé l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions au tribunal administratif de Melun qui, par un jugement du 5 octobre 2017, a rejeté sa demande. Il se pourvoit en cassation contre ce jugement.
Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte des dispositions des articles L. 441-2-3 et R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation que pour être désigné comme prioritaire et se voir attribuer d'urgence un logement social par la commission de médiation, le demandeur doit être de bonne foi. Il doit satisfaire aux conditions réglementaires d'accès au logement social et justifier qu'il se trouve dans une des situations suivantes : dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Il doit également satisfaire à un des critères prévus par l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation et notamment avoir fait l'objet d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement
Le juge de l'excès de pouvoir exerce un entier contrôle sur l'appréciation portée la commission de médiation quant à la bonne foi du demandeur. L'appréciation ainsi portée par le juge de l'excès de pouvoir relève du pouvoir souverain des juges du fond ; et dès lors qu'elle est exempte de dénaturation, cette appréciation ne peut être discutée devant le juge de cassation.
Dans cette affaire, le tribunal administratif s'est borné à rechercher si la commission de médiation n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le demandeur n'était pas de bonne foi. Or, il lui appartenait d'exercer un entier contrôle sur ce point, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il s’ensuit que le jugement doit être annulé pour ce motif.
Le Conseil d’État analyse alors si le demandeur était réellement de bonne foi au sens des dispositions du code de la construction et de l’habitation pour se voir attribuer un logement social. Il rappelle que le demandeur ne peut être regardé de bonne foi s’il a délibérément créé par son comportement la situation rendant son relogement nécessaire.
En l’espèce, le demandeur était locataire dans le parc privé et a laissé s'accumuler d'importants retards de loyers à partir de son licenciement, alors qu'il avait pour seule ressource le revenu de solidarité active pour un montant inférieur à celui du loyer. Il n'a pas été en mesure d'honorer le plan d'apurement de cette dette conclu avec son propriétaire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ait cherché délibérément à échapper à ses obligations de locataire et créé ainsi la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire.
Il s’ensuit qu’en estimant qu'il ne pouvait être regardé comme un demandeur de bonne foi au sens du deuxième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la commission de médiation a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Le Conseil d’État enjoint donc la commission départementale de médiation de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d’un mois.
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