Soc. 26 juin 2019, FS-P+B, n° 17-28.328
Un salarié en congé de fin de carrière n’occupant plus son poste dans l’entreprise peut-il invoquer les dispositions légales relatives au harcèlement moral ? La Cour de cassation a récemment répondu positivement à cette question.
Le salarié avait bénéficié d’un congé de fin de carrière avec cessation d’activité à compter du 31 décembre 2006 et jusqu’au 1er octobre 2012, date de sa mise à la retraite. Il évoquait des faits susceptibles, selon lui, de caractériser un harcèlement moral (refus de lui fournir des outils nécessaires à l’exercice de son activité syndicale, erreurs systématiques quant au calcul des cotisations de retraite complémentaire et supplémentaire…). En application du délai de prescription de droit commun de cinq ans, la cour d’appel a jugé que le salarié ne pouvait invoquer des faits antérieurs au 9 juillet 2009. Or, considérant qu’il était en congé de fin de carrière depuis le 31 décembre 2006, la cour a décidé qu’il ne pouvait « invoquer aucune dégradation de ses conditions de travail puisqu’il n’était plus sur son poste de travail au sein de l’entreprise ».
L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article L. 1152-1 du code du travail (lequel définit le harcèlement moral comme les agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel). La chambre sociale relève en effet que « le salarié était demeuré lié à l’entreprise par un contrat de travail jusqu’à son départ en retraite le 1er octobre 2012 ». Et elle en déduit qu’il appartenait aux juges du fond de « rechercher […] si le salarié, qui invoquait des faits postérieurs à son départ en fin de carrière […], établissait ainsi des faits qui permettent de présumer un harcèlement moral entre le 9 juillet 2009 et le 1er octobre 2012 ». Autrement dit, c’est l’existence du contrat de travail qui justifie la protection du travailleur et non l’exercice effectif de son activité. Les juges du fond ne pouvaient donc invoquer la dispense d’activité du salarié liée au congé de fin de carrière pour écarter d’emblée l’existence d’un harcèlement.
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