Soc. 11 sept. 2019, n° 17-18.311
Soc. 11 sept. 2019, n° 18-50.030
Soc. 11 sept. 2019, n° 17-26.879
Alors qu’une décision de la Cour de cassation rendue le 11 septembre 2019 a étendu la réparation du préjudice d’anxiété à d’autres substances nocives que l’amiante sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, trois autres arrêts du même jour sont venus préciser les modalités et les contours de l’indemnisation des victimes. Les solutions diffèrent selon que les salariés demandeurs sont éligibles ou non à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA).
Dans la première décision (n° 17-18.311), la Cour confirme que tous les salariés exposés à l’amiante peuvent désormais demander l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété subi du fait de cette exposition. Deux régimes probatoires doivent dès lors être distingués : soit les intéressés peuvent bénéficier de l’ACAATA (car ils ont travaillé dans un établissement désigné par arrêté ministériel durant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante [Loi n° 98-1194 du 23 déc. 1998, art. 41]), et il n’ont pas à prouver la réalité de ce préjudice, sa réparation étant automatique ; soit ils ne peuvent pas en bénéficier et ils doivent agir sur le fondement de l’obligation de sécurité de l’employeur, en démontrant l’exposition à l’amiante et l’existence d’un préjudice d’anxiété directement lié à cette exposition générant un risque élevé de développer une maladie grave. Dans ce dernier cas, l’employeur peut échapper à la condamnation s’il démontre qu’il a mis en œuvre l’ensemble des principes de prévention énoncés aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Dans la deuxième décision (n° 18-50.030), la haute juridiction apporte des précisions sur le point de départ du délai de prescription des actions en réparation d’un préjudice d’anxiété pour les salariés exposés à l’amiante et éligibles à l’ACAATA. Dans cette hypothèse, la Cour soumet l’action relative à la réparation d’un préjudice d’anxiété à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil. Le point de départ de ce délai correspond au moment où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Les juges considèrent que ce point de départ n’est pas la date à laquelle les salariés avaient été exposés à l’amiante, mais celle de la publication de l’arrêté ministériel ayant inscrit leur établissement sur la liste permettant le bénéfice de l’ACAATA, date à laquelle le risque à l’origine de l’anxiété est porté à la connaissance des travailleurs.
Reste la question du délai de prescription applicable lorsque l’établissement n’entre pas dans le champ d’application de la loi de 1998 ou en cas d’exposition des salariés à toute autre substance nocive ou toxique que l’amiante, ceux-ci intentant une action en réparation d’un préjudice d’anxiété sur le fondement des dispositions relatives à l’obligation patronale de sécurité. Faudra-t-il mettre en œuvre la prescription quinquennale de droit commun (C. civ., art. 2224) ou la prescription biennale applicable aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail (C. trav., art. L. 1471-1) ? Quel sera le point de départ du délai prescription, en l’absence d’arrêté ministériel portant à la connaissance des salariés le risque à l’origine de l’anxiété ?
Dans la troisième décision (no 17-26.879), les juges du quai de l’Horloge refusent d’appliquer la présomption de préjudice d’anxiété à des marins de la SNCM (Société nationale Corse-Méditerranée) bénéficiant d’une allocation de cessation anticipée d’activité en raison de l’exposition à l’amiante, autre que l’ACAATA, lorsque le versement de cette allocation n’est pas subordonné à l’existence avérée d’un travail en contact avec de l’amiante ou de matériaux à base d’amiante. En l’espèce, l’exposition à l’amiante n’étant pas certaine, la réparation d’un préjudice d’anxiété n’était possible que selon les règles de droit commun, sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : « les salariés devaient justifier d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition ».
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