TA Cergy-Pontoise, ordonnance, 8 novembre 2019, n° 1912597 et 1912600
Eu égard à la situation locale, c’est à bon droit que les maires des communes de Gennevilliers et de Sceaux ont considéré que les habitants de leurs communes étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’ils interdisent l’utilisation de pesticides.
Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise était saisi par le préfet des Hauts-de-Seine afin qu’il ordonne la suspension de l’exécution de deux arrêtés municipaux. Le premier, en date du 13 juin 2019, avait été pris par le maire de la commune de Gennevilliers, il interdisait l’utilisation de pesticides pour l’entretien de certains espaces sur son territoire. Le second, en date du 20 mai 2019, pris par le maire de la commune de Sceaux interdisait l’utilisation du glyphosate et autres substances chimiques utilisées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles sur le territoire communal.
Il résulte des dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code général des collectivités territoriales que « la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a été attribuée au ministre de l’agriculture. S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières. »
Selon le juge des référés du tribunal administratif, il ne peut être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés par les deux arrêtés en litige, qui font l’objet d’interdictions partielles mentionnées à l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, constituent un danger grave pour les populations exposées.
En l’espèce, la commune de Gennevilliers (plus de 46 000 habitants), soutient qu’elle subit une pollution considérable du fait des infrastructures majeures de transport présentes sur son territoire. L’arrêté litigieux limite l’interdiction des produits phytopharmaceutiques à l’entretien des jardins et espaces verts des entreprises, des copropriétés, des bailleurs privés et privés sociaux, des voies ferrées et des tramways et leurs abords, des abords des autoroutes et routes qui la traversent, où l’usage de ces produits est encore autorisé. Par ailleurs, il existe de nombreuses populations vulnérables sur le territoire de cette commune (13 écoles, 3 collèges …). La commune de Sceaux (plus de 20 000 habitants) fait valoir, quant à elle, que les espaces verts couvrent la moitié de son territoire et que l’entretien des deux tiers d’entre eux n’est pas visé par les interdictions des produits phytosanitaires, ce qui concerne de nombreux espaces et équipements fréquentés par le grand public. Par ailleurs, il existe également des populations vulnérables sur son territoire parmi lesquelles les enfants (8 crèches, 8 écoles, 2 collèges…) et les personnes âgées résidant notamment dans les quatre établissements de santé situés sur ce territoire.
De plus, en juin 2019, le Conseil d’État avait annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, notamment en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques, après avoir considéré que ces riverains devaient être regardés comme des « habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme ». Cette décision du Conseil d’État avait également rappelé qu’il appartenait à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique.
Ainsi, eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits que les arrêtés attaqués interdisent sur les territoires des deux communes et en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale, les maires de ces communes ont pu à bon droit considérer que les habitants de celles-ci étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’ils prescrivent les mesures contestées, et ce alors même que l’organisation d’une police spéciale relative aux produits concernés a pour objet de garantir une cohérence au niveau national des décisions prises, dans un contexte où les connaissances et expertises scientifiques sont désormais largement diffusées et accessibles.
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