CE 7 juin 2019, n° 423892
L’objectif de la contravention d'actes sexuels est de priver le proxénétisme de source de profits, de lutter contre cette activité et contre la traite d’êtres humains aux fins d’'exploitation sexuelle et assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de l'ordre public.
Diverses associations avaient demandé au Conseil d’État d’annuler la décision implicite du Premier ministre qui avait refusé d’abroger le décret n° 2016-1709 du 12 décembre 2016 relatif au stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes et au stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels. La Haute juridiction administrative a refusé de faire droit à la demande des associations et a précisé pourquoi cette contravention prévue à l’article 611-1 du code pénal avait été prévue par le législateur par la loi du 13 avril 2016.
Le Conseil d’État rappelle qu’il ressort « des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 13 avril 2016 que le législateur, faisant le constat que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite d'êtres humains rendus possibles par l'existence d'une demande de relations sexuelles tarifées, a entendu, en instituant une contravention réprimant le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, priver le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite d'êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle et assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de l'ordre public. » Ainsi, « dès lors qu'elle est contrainte, la prostitution est incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine. »
Dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite d'êtres humains qui sont rendus possibles par l'existence d'une telle demande. Il s’ensuit qu’ « alors même qu'elles sont susceptibles de viser des actes sexuels se présentant comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, les dispositions litigieuses ne peuvent, eu égard aux finalités d'intérêt général qu'elles poursuivent, être regardées comme constituant une ingérence excessive dans l'exercice du droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Les associations requérantes ne peuvent donc invoquer que le décret litigieux du 12 décembre 2016 aurait été pris pour mettre en œuvre des dispositions législatives incompatibles avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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